Lorsqu'une société minière annonce son « first pour » (première coulée), c'est un moment de célébration. Mais que coule-t-elle exactement dans ces moules ? Pas de l'or ou de l'argent pur, contrairement à ce que beaucoup d'investisseurs imaginent. Ce qui sort du four est une doré bar — un lingot semi-raffiné qui représente la première transformation du minerai en métal tangible. Comprendre ce qu'est une doré bar, comment elle est produite et pourquoi elle est si importante permet de mieux appréhender le fonctionnement d'une société minière et sa progression vers la rentabilité.

Qu'est-ce qu'une Doré Bar ?

Le terme « doré » vient du français et signifie « doré » ou « doré à l'or ». Une doré bar est un alliage semi-pur composé principalement d'or et d'argent, produit directement sur le site minier avant d'être envoyé à une raffinerie pour purification finale.

Composition typique

La composition exacte varie considérablement selon la minéralogie du gisement et les méthodes métallurgiques employées. Par exemple, les doré bars produites en Afrique du Sud contiennent typiquement environ 10% d'argent, tandis que celles provenant de certains gisements mexicains peuvent afficher des proportions inversées avec davantage d'argent que d'or.

Caractéristiques physiques

• Poids : jusqu'à 25 kg par lingot
• Apparence : surface mate, parfois rugueuse, avec des teintes jaunes à verdâtres selon les impuretés
• Marquage : poids, pureté estimée, logo du producteur, numéro de lot

Contrairement aux lingots d'investissement polis et uniformes que l'on trouve chez les négociants, les doré bars présentent un aspect brut qui reflète leur nature intermédiaire dans la chaîne de production.

Une Histoire qui Remonte aux Ruées vers l'Or

Les origines au XIXe siècle

L'histoire des doré bars est intimement liée aux grandes ruées vers l'or qui ont façonné l'Amérique du Nord. Lors de la Ruée vers l'or de Californie (1848-1855), les mineurs fondaient leurs pépites et leur poussière d'or en lingots grossiers qu'ils appelaient à tort « bullion » (lingots purs). En réalité, ces barres contenaient des quantités importantes d'argent et d'autres « adulterants » que les hôtels des monnaies refusaient.

Les assayeurs privés et les ateliers monétaires devaient ensuite raffiner ces lingots bruts pour atteindre une pureté acceptable de 999 millièmes (99,9% d'or pur).

L'évolution des techniques de raffinage

Le chimiste français Joseph Louis Gay-Lussac développa pour la Monnaie de France un procédé de raffinage à l'acide qui révolutionna l'industrie. Cette méthode fut progressivement adoptée pendant la Ruée vers l'or de Californie.

Au moment de la Ruée vers l'or du Klondike (1896-1899), l'électrolyse commençait à remplacer le procédé acide, permettant d'atteindre des puretés de 99,99% (quatre neufs). Cette technique reste aujourd'hui la norme mondiale.

Le Processus de Production sur Site Minier

Étape 1 : Concentration du minerai

Le minerai extrait de la mine — qu'elle soit à ciel ouvert ou souterraine — contient des quantités infimes de métaux précieux dispersées dans la roche. La première étape consiste à concentrer ces métaux :

• Séparation gravimétrique : exploitation de la différence de densité
• Flottation : utilisation de bulles d'air et de réactifs chimiques
• Lixiviation au cyanure : dissolution sélective de l'or et de l'argent

Étape 2 : Fusion (Smelting)

Le concentré obtenu est ensuite chauffé dans un four à environ 1 100°C (2 000°F) avec des fondants tels que le borax et la silice. Ce processus :

• Sépare les métaux précieux des scories (déchets)
• Fait remonter les impuretés légères à la surface
• Concentre l'or et l'argent au fond du creuset

Étape 3 : Coulée et refroidissement

Le métal en fusion est versé dans des moules pour former les doré bars. Une fois solidifiées et refroidies, les barres sont :

• Pesées avec précision
• Marquées avec les informations d'identification
• Conditionnées pour le transport sécurisé

Pourquoi ne pas raffiner sur place ?

Le raffinage final nécessite des installations spécialisées coûteuses (électrolyse, traitement chimique) qu'il serait irrationnel de dupliquer sur chaque site minier, souvent situé dans des régions reculées. La doré bar représente donc un compromis logistique optimal : elle concentre la valeur du minerai dans un format compact et transportable.

Le Raffinage : De la Doré Bar au Lingot Pur

Les raffineries spécialisées

Les doré bars sont expédiées vers des raffineries accréditées, dont beaucoup sont certifiées par la London Bullion Market Association (LBMA). Les principales raffineries mondiales incluent :

• Valcambi (Suisse)
• PAMP (Suisse)
• Johnson Matthey (Royaume-Uni)
• Rand Refinery (Afrique du Sud)
• Royal Canadian Mint (Canada)

Le processus de raffinage

1. Analyse (Assay) : détermination précise de la teneur en métaux par essai au feu (fire assay) ou spectrométrie
2. Fusion et granulation : transformation en grenailles pour augmenter la surface de réaction
3. Électrolyse : séparation des métaux par courant électrique
4. Coulée finale : production de lingots 99,99% purs aux standards Good Delivery

Le modèle économique : Toll Refining

Dans la plupart des cas, les raffineries ne rachètent pas les doré bars. Elles effectuent un traitement à façon (toll refining) : la propriété du métal reste à la société minière jusqu'à la vente finale. La raffinerie facture ses services et restitue le métal purifié, moins les frais de traitement et les pertes de raffinage.

Importance Stratégique pour les Sociétés Minières Argent

Le « First Pour » : Un Jalon Décisif

Pour un investisseur dans les juniors minières, l'annonce du « first pour » est un catalyseur majeur. Comme l'explique Jeff Clark dans son ouvrage Paydirt: Mining for Profits with Gold & Silver Stocks, cette étape marque la transition d'un développeur (qui brûle du cash) vers un producteur (qui génère des revenus).

La stratégie du « Pre-Production Sweet Spot » décrite par Lobo Tiggre montre que les actions des sociétés minières génèrent en moyenne 98% de gains entre l'annonce de la décision de construction et le first pour.

Flux de trésorerie et valorisation

Une fois la production de doré bars établie :

• La société génère des revenus réguliers
• Les analystes peuvent calculer des marges opérationnelles réelles
• Le levier opérationnel au prix des métaux devient mesurable
• Les ratios de valorisation (P/NAV, EV/EBITDA) deviennent pertinents

La chaîne de valeur simplifiée

Minerai → Concentration → Fusion → DORÉ BAR → Raffinage → Lingot pur → Marché
   │                                    │                         │
   └── Site minier ──────────────────────┘                         │
                                         └── Raffinerie ───────────┘

La doré bar est le point de transfert où la valeur passe du domaine de l'extraction (coûts miniers, AISC) au domaine du raffinage et de la commercialisation.

Standards et Réglementation

Normes LBMA

La London Bullion Market Association établit des seuils stricts pour les doré bars destinées aux raffineries accréditées :

• Impuretés totales : moins de 5%
• Documentation complète : origine, poids, analyse
• Traçabilité conforme aux Responsible Gold Mining Principles (RGMP)

Classification douanière

Les doré bars sont classifiées dans le chapitre 71 du Système Harmonisé (HS) :

• HS 7108 : alliages d'or
• Distinctes du minerai brut (HS 2616) et des lingots raffinés (HS 7108.12)

Cette classification a des implications pour les droits de douane et la TVA selon les juridictions.

Impact Environnemental et Évolutions

Défis actuels

• Consommation énergétique : la fusion et l'électrolyse sont énergivores
• Gestion des déchets chimiques : acides et chlore du raffinage
• Émissions atmosphériques : vapeurs et gaz (atténués par les épurateurs modernes)

Tendances positives

L'industrie évolue vers des pratiques plus durables :

• Intégration croissante d'or recyclé (environ un tiers de l'offre mondiale)
• Certification ESG des raffineries
• Traçabilité blockchain pour garantir l'origine éthique
• Énergies renouvelables sur certains sites miniers

Key Takeaways

• La doré bar est un lingot semi-raffiné (50-90% or, 5-40% argent) produit sur site minier
• Le « first pour » marque la transition d'une junior de développeur à producteur — catalyseur majeur pour l'action
• Les actions minières génèrent en moyenne 98% de gains entre décision de construction et first pour
• Le toll refining permet aux minières de conserver la propriété du métal jusqu'à la vente finale
• La LBMA impose des standards stricts : moins de 5% d'impuretés, traçabilité complète
• Comprendre la chaîne de valeur (minerai → doré → lingot pur) aide à évaluer les marges réelles d'une société

Pour Aller Plus Loin

• Jeff Clark, Paydirt: Mining for Profits with Gold & Silver Stocks (2023)
• London Bullion Market Association : www.lbma.org.uk
• World Gold Council : www.gold.org

Avertissement

Cet article a une vocation exclusivement éducative et informative. Il ne constitue en aucun cas un conseil en investissement, une recommandation d'achat ou de vente de valeurs mobilières, ni une incitation à investir dans quelque instrument financier que ce soit.

Avant toute décision d'investissement, le lecteur est invité à consulter un conseiller financier agréé et à effectuer ses propres recherches approfondies. Les informations présentées sont fournies « en l'état » sans garantie d'exactitude ou d'exhaustivité.